Un jour à Rodrigues (souvenir de voyage)

   par Gilles Robert (février 2009)

A un détour de la route qui descend vivement vers Graviers, la perspective s’ouvre, immense vers le Sud-Est de l’île.Rodrigues bien petite mais fière de conserver dans sa mémoire à 360° l’histoire agitée de cet océan Indien : galions provocateurs ou fuyards, voiliers en quête de fortune ou de rêves. A ce détour de la route, c’est une surabondance de couleurs. Nous regardons au loin et la ligne d’horizon est au-dessous. C’est comme une immense toile, posée sur le sol que nous, aquarellistes devant l’Eternel, nous dominons. Quelques terres rouges dévalent et de grosses pierres noires, jusqu’à plonger dans le lagon. Mer et ciel ont été jetés sur la toile à grands coups de pinceau mouillé et prennent presque tout l’espace. Cette émeraude qui s’étend jusqu’à la frise si blanche de la barrière de corail, c’est un désespoir du peintre. Il n’existe pas, dans la palette, de ces éclairs de diamant qui la composent. Une île aux Chats… ou Gombrani… ou l’ombre d’un nuage… puis l’outremer intense qui marque la profondeur des abîmes et le bleu ciel qui lui ravit l’immensité par sa transparence.     .Le peintre croit que son tableau est fini tant il est riche de couleurs. Mais le vent du large pousse un grain que l’on voit avancer, délimité comme un volume, sur le bleu outremer puis l’émeraude. Il est là, tout près, qui bruisse.  De nouveau un grand coup de pinceau mouillé, qui réunit ciel et terre, dilue au passage l’outremer du large, le blanc de l’écume, le rose du corail, le topaze du proche, le vert profond de l’herbe bourrique… et c’est la pluie qui bat le visage et aveugle.Le grain a duré deux minutes, dru. La route fume. Un vacoa, à proximité, et ses feuilles en gouttières n’ont pas suffi comme abri. Nous serons presque aussi vite secs que le basalte !

Un bus monte à grand bruit de pistons sollicités. « Speedy king », « Princesse Tours », Oiseau bleue », «  Trinity road »… Je ne sais plus mais c’est un de ces noms ronflants comme le moteur qui se fait entendre jusqu’au delà de Palissade Ternel.

  De nouveau et sans cesse le roulement profond de la barrière de corail que la descente amplifie. Elle n’en finit pas cette descente alors qu’il nous semble à chaque virage dominer la plage.Elle est là enfin Quelques moutons boivent au ruisseau qui rejoint là la mer dans un estuaire si large qu’il trahit les derniers orages. Un chemin prend au milieu des filaos la direction de l’Anse Fémie. Puis, après la Pointe Roche Noire, l’Anse Bouteille, le Trou d’Argent. Des noms à bercer les rêves de Paul et Virginie.

Ce paysage sauvage sur lequel souffle le vent des mers chaudes, n’a rien de commun avec les images qui alimentent nos soifs occidentales d’exotisme.

Il y a là, sans fin, tandis que nos pas s’enfoncent dans le sable très blanc, poudre de corail… qu’un couple de corbijeaux s’envole bruyamment d’une pointe de roche dont il avait la couleur… tandis qu’il est nécessaire, pour découvrir encore et encore, d’escalader un peu, de contourner beaucoup… il y a là l’émotion de l’authentique. Aussi cette barque seule, que la mer descendante va bientôt coucher sur le flanc en la caressant encore, témoigne d’un besoin vital : celui d’une famille de pêcheur, par là. Il y a longtemps que la peinture ocre a fané aux intempéries mais la planche est épaisse et sent le bois chaud. Que d’endroits délicieux dormant au soleil, en cet après-midi désormais calme que saluent de leur chant, criquets et tourterelles douces. Seul le martin reste agité. C’est un drôle de galopin avec ses yeux faits.Il est possible de marcher longtemps au milieu des filaos penchés, sur un sentier qui pourrait mener, à découvert, au plus sauvage de Montagne Cabris, puis redescend au plus intime de cette anse, dont le cœur est un bloc de corail. Nous nous y baignons dans l’eau chaude en sachant qu’au delà de quelques brasses, elle courre, à marée basse comme un large torrent de plateau dont l’autre berge est l’écume. Et derrière l’écume : l’océan Indien.

Nous prenons conscience que, pour façonner ces dentelles, creuser à leur base les rochers lisses leur donnant la forme de larges pleurotes ou de pachydermes au bain, rouler au fond des criques ces milliers d’agates, l’océan Indien doit entrer dans des colères noires, envahir de ses embruns, se confondre avec le ciel, et faire de l’île, de Pointe Coton à Plaine Mapou, de Port Mathurin à Rivière Cocos, à plaine Mapou, de Port Mathurin à Rivière Cocos … un  rocher d’humilité. 

L’atmosphère se charge des langueurs du soir qui tout à l’heure vont rougeoyer peu avant que la nuit soudain surprenne.  se charge des langueurs du soir qui tout à l’heure vont rougeoyer peu avant que la nuit soudain surprenne.

Il faut rentrer au plus court, passer au milieu de ce troupeau de bovins qui paissent au bord de l’eau, déranger un cabri puis deux puis cinq qui s’enfuient ensemble, montant toujours, agiles et agitant fébrilement un bout de queue vindicatif.

Ils disparaissent plus haut au détour d’un buisson de pikanloulou. Piquants c’est vrai ! Quelles épines ! Mais pourquoi « Loulou » ? Pourquoi ces pauvres chiens en seraient-ils les premières victimes ? Il faut dire qu’ils sont maigres ici, peureux, la queue trompette entre les pattes. On a vite fait de les classer dans ces miséreux à qui tous les malheurs arrivent. Au début j’avais compris « piquants-loups » y voyant justement le loup maigre des contes, objet de toutes les railleries… Mais connaissent-ils les loups à Rodrigues ? ou le rossignol, celui duchâteau d’eau lu au fronton d’une école primaire vers Baladirou  

                    

 Peut-être bien ! Si on imagine, par exemple, que sur les bancs de Crève-Coeur Gladys parle à ses tout petits de la chèvre de Monsieur Seguin ou du petit Chaperon rouge. Et les enfants d’écouter en ouvrant de grands yeux noirs, grands, encore plus grands que d’habitude.On entend aussi parler du crabe trou-loulou. Loulou c’est tout simplement un espiègle imaginaire qui sait ? Ou c’est moi qui fabule… Qu’importe ! Le jeu des mots est dans la langue créole une délicieuse salade de fruits.

En regagnant Graviers j’aimerais chanter comme si je parlais de mon île « Mo même pli piti lile dan Mascareigne, ma mo même pi zoli ».

Trois jeunes garçons se dirigent d’un pas décidé, à l’inverse de nous, vers une destination qu’eux seuls connaissent ! Quelque ligne traînante à relever à marée basse ?! Ils saluent d’un bonsoir franc. Souples, ils escaladent le rocher et courent, sveltes, taillés comme des bouts d’homme.Plus loin, un pêcheur est penché sur une barque mise au sec au plus haut de la plage gagné par l’ombre

.                  

                         « Bonsoir    »                 

                                        « Bonsoir », répond l’homme.

Courbé sur la ligne de flottaison, il relève un peu la tête et sourit. On voit mal ses yeux que surligne la lisière d’un chapeau tressé mais un éclair des dents atteste. Puis il reprend son travail engageant au couteau, dans la fente du bois, un composé de fibre et de glue.

·                         « Que s’est-il passé ? »

·                         » … Bouche bateau… »                  

« Bouche bateau.. ».C’est tout : mais comme cela suffit pour évoquer l’amarre rompue et, à la côte, l’entame d’un rocher en lame de poignard.
La méthode de réparation est ancestrale. Nous avons emprunté aux Grecs le mot calfatage. Mais « bouche bateau » ! Quelle évidence poétique dans une vie rude.La nuit est tombée quand nous parvenons à la maison de Petit Brûlé. Une dernière roussette frôle en silence les feuilles des bananiers. Des chiens aboient. Ils aboieront longtemps dans la nuit et seule la pluie sur le toit pourra couvrir leurs voix. 

Quelques lumières brillent en dessous, dans le vallon : un stade, une maison, un hameau ? La vie s’endort. Il vient à l’esprit le sentiment des pilotes de l’aéropostale abordant de nuit la campagne brésilienne avant un atterrissage à Rio. Une amitié profonde les gagnait allant vers chacun de ceux inconnus sur qui veillaient les lumières dans la nuit.Inconnus aussi, c’est vrai, ces Rodriguais que nous avons rencontrés : hommes et femmes d’une gentillesse spontanée sans inutile effusion. Ces sourires de connivence car nous nous comprenions sur un fond de langue venue comme nous de la lointaine France. L’association « Vivrodrigues » a bien des raisons d’avoir entre nos deux pays jeté un pont suspendu aux filins de l’amitié et souhaité à l’île de conserver son identité dans le cadre de ses moyens.Et Jean-Paul II qui a fait un jour de votre île si petite, si petite au milieu de l’océan Indien, le joyau coloré du monde chrétien. Il a rappelé ces valeurs simples auxquelles votre foi vous lie et qui devraient continuer de maintenir debout l’essentiel d’une belle personnalité face à combien de risques d’ouragans. Vive Rodrigues…  Gilles Robert (02/2009)    C’est tout : mais comme cela suffit pour évoquer l’amarre rompue et, à la côte, l’entame d’un rocher en lame de poignard.
La méthode de réparation est ancestrale. Nous avons emprunté aux Grecs le mot calfatage. Mais « bouche bateau » ! Quelle évidence poétique dans une vie rude.La nuit est tombée quand nous parvenons à la maison de Petit Brûlé. Une dernière roussette frôle en silence les feuilles des bananiers. Des chiens aboient. Ils aboieront longtemps dans la nuit et seule la pluie sur le toit pourra couvrir leurs voix.

 Quelques lumières brillent en dessous, dans le vallon : un stade, une maison, un hameau ? La vie s’endort. Il vient à l’esprit le sentiment des pilotes de l’aéropostale abordant de nuit la campagne brésilienne avant un atterrissage à Rio. Une amitié profonde les gagnait allant vers chacun de ceux inconnus sur qui veillaient les lumières dans la nuit.Inconnus aussi, c’est vrai, ces Rodriguais que nous avons rencontrés : hommes et femmes d’une gentillesse spontanée sans inutile effusion. Ces sourires de connivence car nous nous comprenions sur un fond de langue venue comme nous de la lointaine France. L’association « Vivrodrigues » a bien des raisons d’avoir entre nos deux pays jeté un pont suspendu aux filins de l’amitié et souhaité à l’île de conserver son identité dans le cadre de ses moyens.

Et Jean-Paul II qui a fait un jour de votre île si petite, si petite au milieu de l’océan Indien, le joyau coloré du monde chrétien. Il a rappelé ces valeurs simples auxquelles votre foi vous lie et qui devraient continuer de maintenir debout l’essentiel d’une belle personnalité face à combien de risques d’ouragans.

                                                      …        VIVE RODRIGUES…                                                          

En bus, peut-on encore demander l’arrêt à l’aide d’une ficelle ?

 En bus, peut-on encore demander l’arrêt à l’aide d’une ficelle ? 

« Il y a quatre ans , je suis allée à Rodrigues, trois semaines seulement. C’est maintenant mon chez moi.Cette année je vais enfin pouvoir retourner sur cette île « dont les points cardinaux sont: Mer , Soleil, Secheresse et Cyclones » (extrait de Soupir -Ananda Devi ).

J’ai peur que l’île n’ait été polluée par ce qu’on appelle le progrès…

Dans les bus, peut-on encore demander l’arrêt à l’aide d’une ficelle? Qu’est-ce que c’est cette histoire de casino à Port Mathurin?

Ceux qui reviennent du bout du monde pourront peut-être dissiper mon inquiétude?

Les cases d’alors étaient construites en vétiver

 ERIHU, depuis Londres, nous envoie ce merveilleux message – Quel plus beau cadeau  d’inauguration pouvait on rêver d’offrir par ce nouveau site,  à nos amis rodriguais, pour cet AN NEUF 2009 

Les souvenirs de Rodrigues d’il y a plus de 30 ans, quand j’ai quitté, restera à jamais gravés dans ma mémoire… figés dans le temps, comme une vielle photo.  Il ne se passe pas un jour sans que j’y pense.

Les maisons d’alors étaient des cabanes construites de vetiver, ou en tole ondulées pour les plus fortunés, sujects aux aleas.  Il n’y avait pas d’aéroport… Les seuls visiteurs qu’on avait arrivaient par voie de mer.

C’est avec bonheur que J’y retourne moi aussi cette année et ce sera par avion!  

Moi je dis « vivement au progres » sans quoi il n’y aurait pas de touristes comme vous même qui contribuent a soulager la pauvreté.  J’ai pu suivre à l’émancipation de l’ile grace aux technologies nouvelles, et je ne m’attends pas à être choqué par son développement. Ce n’est pas un casino à Port Mathurin ou autres commerces qui vont gommer mes plus beaux souvenirs!.  

La démogracie que l’Ouest pratique s’applique aussi à Rodrigues; esperons pour le meilleur. De nos jours, la disparité des pays riches et le quart monde ne devraient pas exister.  Les Rodriguais ne veulent pas des dons ou des petits cadeaux – ils veulent bosser à pied égale pour s’en sortir. Il faut leur donner la chance à l’égalité des droits et moyens. Cela se fera qu’a travers le développement économique.   On ne peut pas s’attendre à ce que l’ile reste sous développée pour assouvir à nos quelque jours de bonheur… Il faut accepter la réalité du « progres »‘ comme partout…
Néanmoins, Je peux vous affirmer que la mentalité des Rodriguais a été, est et restera la même « ACCUEILLANTE »